
( AFP / LOIC VENANCE )
Un conciliateur travaille au sein de la maison d'édition L'Harmattan, touchée par un conflit entre ses actionnaires, le fondateur et son neveu, le second étant accusé d'avoir pris frauduleusement le contrôle du capital, a appris l'AFP mercredi de sources concordantes.
Le différend oppose Denis Pryen, 85 ans, qui avait créé cette maison d'édition en 1975, et Xavier Pryen, 59 ans, qui lui a succédé depuis 2010 à la tête du groupe. Il a été révélé par le quotidien Le Monde le 21 novembre.
Initialement spécialisé dans les ouvrages sur l'Afrique, et aujourd'hui ouvert aux sciences humaines, à d'autres disciplines et à la littérature, L'Harmattan est l'un des éditeurs les plus prolifiques de France, avec plus de 75.000 titres à son catalogue. Il a aussi racheté les Éditions Michalon en 2012.
Denis Pryen accuse son neveu de divers artifices et falsifications pour s'emparer, sans verser un centime, de 65% du capital de la société HDP, qui regroupe la maison d'édition et la librairie L'Harmattan à Paris.
À partir de 2009, "Xavier Pryen va s'assurer, par un enchainement de manœuvres frauduleuses, indivisibles entre elles mais dont chacune relève d'une qualification pénale, du contrôle majoritaire du capital de HDP, sans bourse délier", affirme Denis Pryen dans une plainte contre X déposée le 13 novembre auprès de la procureure de la République de Paris, et consultée par l'AFP.
Il dénonce de fausses signatures, des falsifications comptables et des ventes d'actifs à l'insu du fondateur.
Xavier Pryen n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP. "Ma priorité absolue, comme président du groupe, vigilant de ses intérêts et de ceux des équipes, est d'être sur le pont", a-t-il écrit au Monde.
Une source proche de la direction a dénoncé mercredi auprès de l'AFP une "tentative d'instrumentalisation de la justice par voie de presse". Les "prétendues infractions pénales" alléguées dans la plainte "sont contestées", a affirmé cette source.
D'après une source interne au groupe qui s'exprimait sous couvert de l'anonymat, l'article du Monde a "choqué" une bonne partie des salariés, qui "font confiance" à leur PDG.
La plainte de Denis Pryen évoque à l'inverse "un climat de terreur au sein du groupe" qui empêcherait tout salarié de dénoncer la dégradation des comptes et les irrégularités.
Dans une décision obtenue par l'AFP, le tribunal de commerce de Paris a désigné le 15 novembre, pour une période de deux mois, un conciliateur "en vue d'aboutir à un accord actionnarial". Il a cependant estimé que, contrairement à ce que réclamait le fondateur, il n'y avait "aucune situation de péril imminent" qui justifierait un placement sous administration judiciaire.
Denis Pryen est soutenu par une association ad hoc, Collectif Harmattan, qui regroupe entre autres des directeurs de collection de la maison. "L'ensemble des malversations a été minutieusement documenté", écrivait-elle dans un message à ses membres dimanche.
L'Harmattan a un modèle économique unique au sein de son secteur. Il accepte pratiquement tous les manuscrits qui lui sont soumis, permettant un accès très facile à une publication. En contrepartie, l'auteur a l'obligation de mettre en forme lui-même son texte, d'acheter des exemplaires et, surtout, il n'est rémunéré qu'à partir de 501 exemplaires vendus, à des taux très faibles, qui compensent rarement les frais engagés.
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